L’immense
salle de pierre était pratiquement vide. La seule décoration consistait en un
tapis rouge de plusieurs mètres de large marquant le chemin à parcourir depuis
la grande porte d’entrée jusqu’au trône imposant du grand Pope. Ici, la lumière
de la lune projetait sur le sol l’ombre des nombreux piliers massifs en un
quadrillage parfait. Grâce au pouvoir divin d’Athéna, cette salle, comme les
douze temples antiques qui y menait, n’avait pas besoin de lampe pour être
éclairée. En effet, dans ces lieux bénis par la déesse, tous les atomes
constituant la matière visible renvoyaient les infimes parcelles de lumière
originelle contenues en eux depuis le big bang créateur. Ainsi, quiconque se
tenait dans la salle, de nuit, y voyait comme en plein jour ou presque.
Assis
sur le trône, comme tant d’autres grands Popes, représentants légitimes de la
déesse Athéna durant son absence sur la planète Terre, le dernier désigné au
casque d’aigle attendait que son chevalier prenne la parole, comme il en était
d’usage.
Celui-ci
était installé au pied des marches menant au trône, tête baissée et genoux à
terre.
-
Kalyaste, du signe caché du Serpentaire, au
rapport. J’ai plusieurs nouvelles à vous annoncer, grand Pope.
-
Parle mon ami. Mais par pitié, ajouta la voix
efféminée avec un trait d’agacement, quand nous sommes seuls, évite d’être
aussi grandiloquent que d’habitude. Nous ne sommes pas en public.
Et
comme pour souligner ses propos, le grand Pope retira vivement son casque.
-
Bon sang ! Qu’est-ce que j’ai chaud
là-dessous !
Kalyaste
releva la tête et se redressa enfin, posant son regard sur le grand Pope. Ou
plutôt la grande Pope, la première de
toute l’histoire de la chevalerie. Il y a bien longtemps qu’il n’avait pas vu
son visage familier. Etant anciennement chevalier, celle-ci avait longtemps
porté le masque traditionnel destiné aux femmes chevaliers, signe de leur
renoncement à leur statut de femme. L’Athéna de cette ère avait aboli cette
règle qu’elle jugeait désuète avant de quitter sa fonction et de se retirer de
la vie du sanctuaire sacré. Les rares femmes chevaliers purent à nouveau
montrer leur visage au monde, mais par habitude, l’appellation masculine de
« grand Pope » était restée dans les mœurs parmi les rares chevaliers
rescapés de la dernière guerre sainte, il y a vingt et un ans de cela.
Voilà
donc presque un quart de siècle qu’elle occupait le poste de grand Pope, et
certains ne s’y faisaient toujours pas, bien qu’ils lui obéissent comme il se
doit d’obéir à un grand Pope et qu’ils n’aient jamais critiqués ses ordres.
Pour expliquer son choix, la déesse réincarnée sous les traits de la jeune
Saori Kido avait argumenté qu’une femme saurait mieux qu’un homme défendre la
paix et l’amour sur Terre et que ce chevalier avait toujours soutenu la déesse,
même lorsque Saga, chevalier d’or des Gémeaux renégat, avait pris le contrôle
du sanctuaire et engendré une guerre fratricide au sein de la chevalerie.
Kalyaste
se détendit enfin, sortit de la légère pénombre que projetait un pilier, grimpa
les marches rapidement et sauta à deux mètres de hauteur pour s’installer sur
le dossier du trône, les pieds posés sur l’un de ses accoudoirs.
Le
grand Pope se tourna et changea de position pour se mettre face à son
vis-à-vis. Kalyaste était grand et sans son armure il n’avait absolument pas
l’air dangereux. Pourtant, elle le savait, il était certainement le combattant
le plus acharné de tous les Saints
qu’elle avait connue. C’était aussi le plus âgé de l‘ancienne génération.
Resté
en retrait sur ordre d’Athéna durant la guerre sainte afin de participer à la
formation de la nouvelle génération de chevaliers, il avait maintenant la cinquantaine
passée mais gardait cette jeunesse de corps propre à tous chevaliers. Ses
cheveux bruns foncés un peu trop longs lui donnaient un air négligé. Son visage
avait l’air grave, ce qui dénotait avec son sourire bon enfant habituel.
Visiblement, les nouvelles n’étaient pas bonnes. Ses yeux verts plongeaient
littéralement dans ceux du Pope.
-
Kalyaste, fit la femme en le fixant dans les
yeux, un sourire aux lèvres, si tu n’étais pas le chevalier du Serpentaire, tu
aurais été puni pour ce geste. Le trône du Pope n’est pas un tabouret.
L’intéressé
se détendit immédiatement et rit de bon cœur.
-
Que veux-tu, j’ai tous les droits. Je suis un
peu le bouffon du roi, avec quelques tâches en plus.
Il
l’observa à son tour. Le Pope, presque la quarantaine, n’avait aucunement perdu
de son charme. Pour elle, qui avait reçu le misopéthaménos, le temps s’était
quasiment figé et son cœur ne battait plus que cent mille fois par an, le
nombre de battements moyen d’un homme par jour, ce qui lui permettrait de vivre
encore plusieurs centaines d’années. Cadeau de la déesse à sa représentante
légitime sur Terre.
Orpheline
ayant séjourné durant ses jeunes années au Japon, elle avait rapidement été repérée
par Miké, ancien chevalier d’argent, qui l’avait formé aux secrets du cosmos,
cette énergie intérieure qui peut être intensifiée jusqu’à obtenir la puissance
légendaire des Saints, les chevaliers
d’Athéna. Il suffisait d’observer ses yeux gris bleu pour repérer chez elle une
grande intelligence, une détermination sans faille et une grande expérience du
combat. Elle cachait bien son jeu et plusieurs chevaliers d’argent à la solde
de Saga avaient été terrassés d’une seule attaque en ayant commis l’erreur de
la juger sur son sexe. Sa chevelure de feu et son histoire en faisaient un
personnage aussi charismatique que redoutable. Elle qui avait formée le
chevalier de bronze devenu légendaire, Seiya de Pégase. Lui et ses amis avaient
sauvé le sanctuaire de la manipulation de Saga, puis renvoyé Poséidon à son
sommeil millénaire, et enfin poursuivi Hadès jusqu’au plus profond des Enfers
afin d’emprisonner son âme divine dans une urne sacrée et scellé par le sceau
de la déesse. Pour toutes ces raisons, la simple évocation des « cinq
bronzes » inspirait le respect. Et cette femme, aujourd’hui grand Pope,
avait été le maître du chevalier Pégase devenu une légende.
-
Souhaites-tu entendre les nouvelles, Marine ?
demanda enfin Kalyaste.
-
Balance tout. Elles sont mauvaises, n’est-ce
pas ?
-
Oui, mais pas seulement. La première est bonne.
J’ai observé les deux jeunes en quête du casque et ceux-ci ont accepté de
recruter dans leur petite équipe un certain Simon Dietrich.
Marine
sourit.
-
Effectivement, c’est là une très bonne nouvelle.
Le sanctuaire pourra garder un œil sur eux et parer à toute éventualité.
Continue.
-
J’ai constaté un mouvement de la part des
chevaliers de l’île de la Reine Morte.
Cette
fois Marine ne sourit plus.
Tout
chevalier d’Athéna connaissait les rebelles de l’île de la Reine Morte. Ces
combattants ayant été entrainé pour devenir chevaliers mais dont le cœur s’était
révélé pourri de noirceur. Bannis du sanctuaire sacré par Athéna ou le grand
Pope, ils disposaient néanmoins de la puissance des chevaliers de bronze, au
moins. Ces rebelles avaient découvert l’île de la Reine Morte il y a plusieurs
siècles. Cette terre quasiment inhabitable se trouve être le dernier vestige du
continent de Mu, appelé aussi dans la mythologie continent de l’Atlantide. Les
atlantes, bien qu’étant le peuple de Poséidon, offraient leurs services à
quiconque faisait appel à eux. C’est d’ailleurs pour cette trahison que leur
dieu avait englouti le continent et installé son temple sous la mer. Ainsi,
lorsque le peuple des atlantes renaîtrait, personne ne pourrait venir leur
demander service.
Ce
peuple avait également été très avancé technologiquement et maîtrisait leur
septième sens à un point qui n’avait jamais plus été atteint d’après les
légendes conservées de la grande bibliothèque. Ainsi avaient-ils développé une
technique aujourd’hui perdue pour créer des métaux vivants habités par un
cosmos. Ce sont eux, les créateurs de toutes les armures recensées, que ce soit
les « écailles » des marinas de Poséidon, les clothes, armures sacrés
des chevaliers d’Athéna, ou encore les surplis d’Hadès. Mais ce peuple avait également
construis des armures en secret. Dans quel but ? S’il y en avait eu un jour,
personne ne le savait plus aujourd’hui.
Longtemps
après le grand cataclysme qui engloutit ce peuple avancé, les bannis d’Athéna
avaient découvert sur l’île de la Reine Morte un secret gardé et oublié depuis
des temps immémoriaux : les fameuses black clothes, ces armures noires
singeant les revêtements sacrés des chevaliers d’Athéna. N’agissant pas directement
contre l’humanité, la déesse les avait épargnés, et leur nombre n’avait de
toute façon jamais constitué une menace réelle. Shaka, ancien chevalier d’or de
la Vierge, s’était même un jour rendu sur l’île pour mettre fin à leur
existence mais était rentré au sanctuaire, affirmant qu’ils n’étaient déjà plus
qu’une poignée et ne représentaient pas une menace.
Néanmoins,
jamais ils n’ont été réellement comptabilisés et personne ne sait combien de
black clothes sont encore aptes à être utilisées au combat. Dans l’état actuel
de faiblesse du sanctuaire, suite à la guerre sainte puis à des disparitions,
un mouvement de masse de ces rebelles pourrait s’avérer catastrophique. Un seul
nouveau chevalier avait été présenté devant le grand Pope depuis la dernière
guerre sainte et cela inquiétait tout le monde. Athéna ayant abandonné sa
tâche, une première dans toute l’histoire de la Terre, ceci marquait-il la fin
de la chevalerie ?
Marine
sortit de sa réflexion et fixa Kalyaste.
-
Dis-moi tout ce que tu sais. Quels sont leurs
agissements ?
-
Je ne me suis pas rendu sur l’île, et c’est cela
qui m’inquiète. En tant normal, ils ne quittent que rarement leur territoire et
leurs dernières sorties remarquées, sous le commandement du chevalier de bronze
Ikki du Phénix, s’étaient soldées par un échec cuisant face à Seiya et aux
autres bronzes. Mais après m’être renseigné, je peux affirmer que les deux
hommes mis à terre par Myrien, le jeune homme qui s’est récemment éveillé à la
cosmo-énergie, agissaient sous les ordres des chevaliers noirs.
Marine
se refusa à comprendre.
-
Tu veux dire que Myrien a vaincu deux chevaliers
sans avoir suivi d’entraînement ? demanda-t-elle, incrédule.
-
Ce que je veux dire est bien pire que cela. Je
veux dire que les deux hommes… n’étaient pas des chevaliers. En d’autres
termes, des humains non éveillés au septième sens agissent pour le compte des
chevaliers noirs.
-
Cela est … Je ne sais pas quoi en penser. Il
faut contacter ce qu’il reste des chevaliers afin qu’ils se rassemblent au
sanctuaire dès que possible. J’aimerais dans ton cas que tu continues de suivre
le groupe. S’ils peuvent retrouver Orion, l’armure retrouvera enfin sa place
et… je n’ose l’espérer…
-
… Et peut-être que le sanctuaire comptera un
chevalier de plus dans ses rangs, finit Kalyaste.
- C’est
ce que je souhaite le plus. La disparition des Saints serait une perte inimaginable
pour l’humanité. Elle signifierait sa perte.
Le
chevalier du Serpentaire ne commenta pas et décida de poursuivre son rapport.
-
De plus, les deux jeunes sont suivis par des
chevaliers noirs. Au moins quatre. Peut-être plus.
-
A quelles constellations correspondent-ils ?
-
…
-
Réponds-moi, Kalyaste. Qu’y a-t-il de plus
terrible que cela ? Des
black clothes d’armures d’or ?
-
Heureusement non. Mais je ne sais pas si ce que
j’ai à dire est meilleur. J’ai repéré… Je ne suis pas sûr, mais je crois avoir
repéré l’armure de l’Andromède noir.
Marine
comprit à ce moment que la situation pouvait devenir pire que catastrophique. Le
chevalier d’Andromède noir avait péris à l’issue de son combat contre le
véritable chevalier d’Andromède, Shun, l’un des cinq bronzes. L’armure du
renégat avait été brisée en mille morceaux. Elle devait être inutilisable. Il
ne devait rien rester de cette armure. Se pouvait-il que, comme les armures du
phénix noir ?
-
Autre chose, continua Kalyaste. Cette armure
était… intacte.
Le
Pope ne voulait pas en entendre davantage. Cela signifiait soit que l’armure
d’Andromède avait fait l’objet de duplicatas en masse par le peuple de
l’Atlantide[1], soit que
les chevaliers noirs avaient découvert le secret de la réparation des armures,
un savoir que seul détenaient les disciples de Jamir en Inde, dont Kiki était
le seul représentant à l’heure actuelle. Si les blacks disposaient de cette
technique, alors tous les chevaliers sacrés courraient potentiellement un
danger. Ils devaient absolument se rassembler au sanctuaire au plus vite !
Mais
Kalyaste poursuivit.
-
J’ai pu les observer de loin et passer inaperçu
car je sais effacer ma cosmo-énergie, mais s’ils se manifestent au groupe, il
me faudra intervenir. Je te demande l’autorisation de porter l’armure du
Serpentaire si le danger devient trop grand.
-
Bien sûr que tu as l’autorisation, répondit-elle
simplement. Encore une mauvaise nouvelle ?
-
Non. Mais je n’ai plus de bonne nouvelle non
plus.
-
Même pas qu’il fera beau demain ?
-
Ils ont prévu de la pluie.
Malgré
elle, Marine esquissa un sourire.
***
Assise comme Myrien sur la banquette
arrière du taxi, Sélène ne décolérait pas.
-
Nan mais tu te rends bien compte qu’on va faire
équipe avec un autre chercheur lancé dans la course, et un inconnu en plus
? Cette vieille bique…
-
Tu n’avais pas dis qu’il connaissait très bien
ton père avant sa disparition ?
-
Bien sûr que si, mais moi je ne le connaissais pas plus que ça. La confiance de mon père
ne doit pas obscurcir mon jugement, et je te préviens : je garderai l’œil
sur sa tête de menteur !
Myrien
ne souhaitait pas entrer encore dans un débat sur les bonnes ou mauvaises intentions
de Simon. Depuis que le scientifique les avait quittés la veille, elle n’avait eu
de cesse de lui tenir la grappe et de revenir sur le sujet, cherchant à chaque
fois de nouveaux arguments pour l’incriminer. La nuit avait été longue dans la
forêt domaniale.
Le
téléphone potable de Sélène vibra dans sa poche et elle s’en saisit avec autant
d’agilité qu’un cowboy qui dégainerait son colt.
-
Et ben voyons, lança-elle en raccrochant
quelques secondes après. Simon nous attendra directement à l’aéroport
Charles-de-Gaulle et nous signale qu’un porteur sera mis à notre disposition à
tous les trois.
-
Porteur pourquoi ?
-
Pour « nous aider avec son matériel ».
Officiellement en tout cas. Mais personnellement tu sais ce que j’en pense.
Voila qu’il nous oblige, « pour notre confort » à être accompagnés.
Si ce porteur est au service de Simon…
-
Alors dans le cas où il nous trahirait au moment
de récupérer le casque, il bénéficierait d’un allié, conclut Myrien.
-
Je n’aime pas…
Le
taxi filait sur les routes en direction de l’aéroport. Ils seraient bientôt
arrivés. Myrien apercevait déjà les avions prenant de l’altitude.
La
voiture arriva à destination quelques minutes plus tard.
Encore cette sensation étrange,
songea-t-il lorsqu’ils sortirent du taxi.
-
Myrien, fit Sélène d’une voix sèche, j’ai un
mauvais pressentiment.
Il
écarquilla les yeux.
-
Toi aussi tu ressens ça ?
-
Je ne sais pas ce que toi tu ressens. Mais dans mon cas, j’ai comme l’oreille qui
bourdonne, sauf que la sensation est partout dans mon corps. Un mauvais
pressentiment quoi.
-
Ah… non moi c’est différent. C’est « l’univers »
dont je t’ai parlé, comme un « quelque chose » de puissant à l’intérieur
de moi qui ressent un quelque chose similaire ailleurs.
-
Tu sais Myrien, si je n’étais pas comme je suis,
je te trouverais très bizarre. Mais j’ai déjà eu des ressentis comme
aujourd’hui. Maintenant que tu le dis, je me souviens quand mon père me parlait
des nuages.
-
Des nuages ?
-
Mon père me racontait parfois que lorsque
j’étais plus jeune, je voyais des nuages à la place des gens. Quand j’étais
encore toute petite, il parait que j’avais hurlé à l’arrivée d’un invité à la
maison. Et lorsqu’il m’avait demandé pourquoi, je lui ai répondu qu’il y avait
un nuage à la maison. (Seyline se laissa aller un moment à ses souvenirs.) Quoi
qu’il en soit, je n’ai aucun souvenir de tout ça et je n’ai jamais revu de ces
nuages dont il me parlait. Aussi loin que remontent mes souvenirs en tout cas. (Elle
fit une pause encore puis secoua la tête.) Je ne sais pas pourquoi je te dis
tout ça maintenant. Allons-y plutôt, l’autre taré cleptomane doit nous attendre
avec son laquais.
Myrien
sourit en imaginant Simon cleptomane. Etant donné les circonstances de leur
rencontre, il fallait avouer que le qualificatif lui collait plutôt bien. Lui
non plus n’avait pas oublié la sensation étrange qu’il avait eu avant
d’entrer : une impression de grande puissance derrière la porte et qui
avait immédiatement disparue quand il était entré. Sélène avait raison, Simon
était peut-être un élément nécessaire dans leur quête pour retrouver
l’artefact, mais cela n’en faisait pas un allié pour autant. Lui aussi
garderait l’œil ouvert.
Installés
dans l’avion, un bolide énorme dont les premières classes bénéficiaient de
tables et de fauteuils en vis-à-vis pour les groupes d’affaires, Simon était
déjà installé et son « porteur » était assis à côté de lui. L’avion
décollerait bientôt et ils arriveraient donc dans quatre heures et huit minutes
précisément au Caire.
-
Juste le temps de faire une bonne sieste,
n’est-ce pas ? demanda Simon pour récolter l’avis de tous.
-
Je ne dors pas en avion, répondit Sélène. Et si
tu tentes de voler quelque chose je ressors ma céramique.
Simon
repensa au couteau qui avait pressé sa gorge la veille et se massa doucement la
zone.
-
Quant à moi c’est pareil, enchaina Myrien. C’est
rare que je prenne l’avion, alors je préfère profiter de la vue et du ciel.
-
Bien, fit l’archéologue, très bien. Alors avant
de vous quitter dans les bras de la déesse Morphée, je tiens quand même à vous faire
les présentations. Myrien, Sélène, voici Alban. Il ne parle pas beaucoup mais
je peux vous assurer que j’ai en lui une confiance sans faille.
-
Ca, je n’en doute pas, dit Sélène sur un ton
volontairement sarcastique. Et tes fameux documents sur des prétendues
précisions, tu les as amenés aussi ?
-
Bien entendu ! Ils sont dans la soute à
bagages, bien gardés dans un petit coffre fort, lui-même placé dans un cube en
aluminium ultraléger qui ne s’ouvre qu’avec mes empreintes digitales. Et oui,
ajouta-t-il en réponse à l’étonnement que montrait Myrien, moi aussi je ne
tiens pas à ce que vous me prépariez une mauvaise surprise.
Et il
ponctua sa phrase d’un clin d’œil appuyé.
-
Sur ce, ajouta-t-il en croisant les bras
derrière sa nuque, je vous quitte. On se retrouve tout à l’heure !
Moins
de trois minutes après, alors que l’avion lançait ses moteurs, l’archéologue
quadragénaire ronflait paisiblement.
Comme
Simon les avait prévenus, Alban était quelqu’un de très silencieux. Il avait la trentaine passée et des yeux en
amandes. Son visage large à la mâchoire proéminente, tout comme son prénom,
dénotait franchement avec ses origines asiatiques. Il observait parfois Myrien
et Sélène du coin de l’œil, en feintant de regarder par le hublot. Il
paraissait ennuyé, limite impatient, comme s’il trouvait que l’avion n’allait
pas assez vite à son goût. D’ailleurs, Sélène n’avait pas hésité à le charrier
là-dessus.
-
Tu sais Alban, les avions supersoniques ne font
pas encore dans le transport des vacanciers. Il faut t’y faire, on passera pas
le mur du son aujourd’hui.
Le
porteur n’avait rien répondu, mais la remarque lui tira un sourire. Un quelque
chose avait glissé dans ses yeux, comme de l’amusement, l’air de dire « parle
pour toi, moi j’ai mon avion privé ». Myrien regarda Sélène mais il
comprit à son regard de vainqueur qu’elle n’avait rien vu. Alors il ne dit rien,
puis reporta son regard sur Simon.
La
bouche ouverte et les paupières closes, il ressemblait presque à un bébé. Malgré
ses vêtements impeccables on avait l’impression qu’il n’avait pas dormi ni pris
de douche depuis plusieurs jours, et ses cheveux mi-longs un peu gras étaient
comme une preuve qui criait son besoin d’un bon bain.
Le
reste du trajet se déroula dans le silence, chacun dans ses pensées. Myrien
tentait de comprendre comment fonctionnait son étrange pouvoir. Sélène quant à
elle était en pleine réflexion sur cette sensation dans son corps. Celle-ci ne
l’avait pas quitté. Ça criait en elle comme un signal d’alarme.
A SUIVRE...
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