Le
hummer fonçait à travers les dunes de sables en suivant la route numérique
tracée par le GPS de Sélène. Assise à côté d’Achille qui conduisait l’engin,
elle avait sorti la tête par la fenêtre et faisait la vague avec un bras. Elle
se sentait revivre.
-
Enfin du vent ! De l’air ! cria-t-elle, trop heureuse pour modérer son
niveau sonore.
Mais
même ses éclats de voix ne parvenaient pas à arracher le moindre sourire aux
trois adultes du groupe. Simon avait une mine grave et pensive. Achille, malgré
son petit sourire qui ne disparaissait jamais entièrement, n’avait vraiment pas
l’air dans son assiette. Et que dire d’Alban ?
-
Ben alors, qu’est-ce qui ne va pas ? Vous
en faites des têtes d’enterrement, les chapi chapo !
Myrien
était assis à l’arrière, entre Simon et Alban. Lui aussi avait ressenti comme
un froid se répandre chez ses compagnons de route. Mais comment parler d’une
intuition de ce genre à des gens normaux ?
-
J’aimerais que nous nous arrêtions quelques
minutes, lâcha Alban sans prévenir.
-
Quoi ? s’étonna Sélène. Mais…
Achille
ne discuta pas la demande de son frère et s’arrêta tout net, comme s’il n’avait
attendu que ça.
-
Un problème ? demanda Myrien.
-
Besoin de prendre l’air, s’excusa le porteur.
Sans
s'étendre davantage, celui-ci sauta du véhicule et partit escalader une dune.
Tous le regardèrent s’éloigner. Lorsqu’il fut enfin arrivé en-haut, il s’assit
à même le sable brûlant, dos au groupe, et ne bougea plus. Les autres
quittèrent le hummer à leur tour.
Achille
essaya d’atténuer le climat pesant qu’avait provoqué le départ d’Alban.
-
Je pense qu’il a besoin de respirer un peu,
dit-il. Il n’est pas habitué à utiliser la voiture, alors imaginez-vous ce que
toutes ces bosses doivent représenter pour son estomac !
Incapable de résister, la jeune fille enchaîna :
-
Un porteur qui a le mal des transports. Nan mais
elle est bien bonne quand même, hein ?
Achille
et Sélène rirent de bon cœur et entamèrent la conversation en marchant pour se
dégourdir les jambes. Simon en profita pour se tourner vers Myrien.
-
Quoi qu’il en soit, fit-il, voilà une très bonne
occasion pour faire plus ample connaissance. Les longs trajets m’endorment et
les pauses m’ennuient. Nous pourrions en profiter pour discuter un peu de
choses intéressantes, n’est-ce pas ?
-
De quoi voulez-vous discuter d’intéressant ?
demanda Myrien, qui regretta immédiatement son ton cassant.
-
Pour entrer directement dans le vif du sujet, je
me demandais si tu savais d’où pouvait bien provenir la force dont tu as fait
preuve il y a deux jours en tirant Sélène de son mauvais pas.
Dans
son esprit, Myrien fut instantanément sur ses gardes.
Comment peut-il savoir cela ?
Les
sourcils du scientifique se soulevèrent d’un candide amusement. Ses yeux verts
brillaient de malice.
-
Ho ho ! Avec un regard pareil, j’aurais
presque peur que tu utilises cette même force sur moi, vraiment.
Myrien
chercha Sélène du regard. Celle-ci était toujours occupée à discuter avec
Achille à quelques mètres de là. Il réfléchit à toute vitesse. Dans le doute,
il essaya de lui en faire dire davantage. Que savait-il d’autre ?
-
Je ne vois pas de quoi vous voulez parler,
lâcha-t-il malgré lui.
Bravo ! T’aurais pas pu trouver moins
cliché comme phrase ? Lui crier directement qu’il avait raison, par exemple ?
Un
éclair d’amusement brilla dans les yeux du scientifique.
-
Voyons Myrien, n’oublie pas que Sélène faisait
l’objet d’une surveillance de chaque instant et que de mon côté j’avais pris
mes dispositions pour que les écouteurs soient eux-mêmes écoutés. Je sais
malheureusement tout ce que vous avez
pu échanger depuis votre rencontre. Enfin, votre seconde rencontre, si nous
tenons compte de cet accident dont tu as parlé.
Le
jeune homme sentit un filet de sueur froide couler dans son dos. Il se sentait
piller de tous ses secrets. Toutes ces choses qu’il avait gardées si
précieusement pour lui pendant de si nombreuses années, depuis son enfance,
voilà qu’elles avaient été livrées à une horde de scientifiques sans aucune
morale.
Et
indirectement, l’homme qui lui apprenait cela en faisait parti.
-
Que voulez-vous savoir à ce sujet ? Que
savez-vous exactement ? Dans quel camp êtes-vous finalement ?
Les
yeux couleur vert émeraude de Simon brillèrent davantage au soleil lorsqu’il
répondit. Simon, ce scientifique d’apparence frêle et souffre-douleur officiel
de Sélène, ne semblait plus habiter ce corps. A présent Myrien y voyait le reflet exact de la grande
puissance qu’il avait ressentie la veille, cachée derrière la porte de la
bibliothèque.
-
Et toi, Myrien, fit l’aîné du groupe en plongeant
son regard dans le sien comme s’il cherchait un indice infime au plus profond
de son âme, quand le moment sera venu de prendre la décision, quel camp
choisiras-tu ?
-
De quoi parlez-vous ?
-
Ne le ressens-tu pas ? Est-ce que tu ne
sens pas, ici, précisa Simon en posant son index sur la poitrine de Myrien, une
lourdeur inhabituelle ?
Pour
une raison qui lui échappait totalement, le jeune homme se sentait complètement
paralysé par le regard de Simon. Celui-ci l’avait plongé dans un état de
conscience profonde dans lequel il n’était que concentration, écoute, et
honnêteté. Oui, il ressentait une sorte de trop plein, une gêne dans sa
poitrine. Une sensation de mal-être qui n’avait cessée de grandir depuis qu’ils
avaient quitté la ville. Pourquoi n’y avait-il pas été plus attentif avant ce
moment ?
Myrien
acquiesça. Simon continua.
-
Les autres n’y croient pas. Ils ne veulent pas y
croire et c’est tant mieux. Mais comme moi, ils ont entendu ton récit et, comme
moi, ils préféreront te voir mourir plutôt que de te laisser entrer dans le
camp adverse. D’ailleurs, si tu as effectivement ressenti en toi l’homme des
étoiles, comme tu l’appelles, il se pourrait bien qu’ils t’achèvent avant même
de te proposer quoi que ce soit.
C’est du délire, pensa Myrien. Ce qu’il raconte n’a absolument aucun
sens ! Et pourquoi est-ce que je
l’écoute ? Dois-je en parler à Sélène ? Il y a un quelque chose en
lui, comme à la bibliothèque. Un pouvoir contenu… c’est immense ! Sélène
saurait quoi faire dans cette situation ?
-
Je vois bien ce que tu penses, mais Sélène aussi
ressent ces choses dans sa poitrine, tout comme toi en ce moment. Bien plus, d’ailleurs.
Il faudra que j’aie une discussion avec elle aussi, mais ça c’est une autre
affaire et elle peut attendre. La situation est devenue assez pressante depuis
quelques minutes, vois-tu. (Il toussa, gêné : ) Non, bien sûr que tu ne vois pas.
-
Qui êtes-vous ? articula Myrien.
Simon
ignora sa remarque. Les yeux toujours fichés dans ceux du jeune homme, il le
jaugeait ouvertement. Il parut réfléchir un instant, puis se décider.
-
Tu vas effacer cette discussion de ta mémoire
consciente à l’instant où mes yeux auront cessé de regarder les tiens,
m’entends-tu ?
Myrien
fronça les sourcils mais hocha tout de même la tête. L’autre continua.
-
Cependant, les réflexions qu’aura provoqué notre
petit échange continueront de te faire réfléchir consciemment et lorsque nous
serons à nouveau face à face, les yeux dans les yeux comme maintenant, et que
je te révélerais mon identité, tu recouvreras la totale mémoire de notre
entretien, y comprit le sentiment que tu éprouves en cet instant, qu’il soit
peur, dévotion, ou quoi que ce soit d’autre. Et d'ici là, interroge-toi bien sûr le camp
que tu choisiras.
-
Et bien les tourtereaux, on fait bande à
part ? lança Sélène en se rapprochant des deux hommes.
Simon
détacha immédiatement son regard du garçon et lâcha à la cantonade, retrouvant
son ton habituel :
-
Mais dites-moi, c’est une bien longue pause que
nous avons fait là. Je vais aller chercher Alban pour lui dire de replacer son
estomac là où est sa bonne place. Il est temps de reprendre la route !
Et il
s’en alla d’un pas guilleret, ne manquant pas de s’étaler de tout son long en
grimpant la dune sur les traces d’Alban. Sélène se plaça à côté de Myrien.
-
Si ça continue comme ça il va falloir l’abattre,
fit-elle en regardant le scientifique se fouler la cheville et redescendre la
pente en roulant. Quoique, ajouta-t-elle en souriant lorsqu’il se relevait pour
rejoindre son porteur, peut-être qu’il pourra encore nous tenir quelques
kilomètres…
Myrien
était pensif.
-
De quoi avez-vous parlé avec Achille ?
Sélène lui jeta un regard amusé.
-
Jaloux !
Il fit
semblant de n’avoir rien entendu.
… Et
lui, de quoi avait-il parlé avec Simon ?
***
Assis
sur le sable depuis le début, Alban n’avait toujours pas bougé d’un iota. Il
avait cherché à se positionner très exactement face à cette direction qui lui
brisait le cœur et n’avait pas esquissé un geste depuis.
Simon
arriva dans son dos, observa comme lui une destination bien trop lointaine pour
être perçue avec les yeux.
-
Nous devons reprendre la route. L’enjeu est trop
grand.
Comme
Alban ne réagissait pas, il posa la main sur l’épaule de son ami. Ce contact
tira enfin une larme au porteur.
Maintenant
ce geste protecteur, Simon s’abaissa au niveau de la tête de son compagnon.
Tous deux étaient tournés vers cet horizon de sable où chaque dune se
ressemblait, observant pourtant un même point invisible au loin. Simon chercha
ses mots. Ne les trouva pas. Alors il resserra sa poigne sur l’épaule d’Alban
et laissa simplement parler son cœur.
-
Nous les vengerons, mon ami. Je te le promets,
chuchota-t-il.
***
Ils
arrivèrent en fin d’après-midi à une petite distance des trois pyramides de
Gizeh. Myrien ouvrait de grands yeux globuleux devant le spectacle, mais les
quatre chercheurs sourirent de sa candeur.
-
Tu ne pensais tout de même pas que n’importe qui
pouvait se rendre aux pyramides sans autorisations, n’est-ce pas ?
Myrien
n’y avait jamais songé. Trop occupé à regarder pour répondre, ses yeux
s’attardèrent un moment sur la foule de touristes et les dizaines de cars de
transports massés plus loin, puis ils se posèrent sur le plus inattendu. Les
barrières. Les trois pyramides étaient entourées de barrières qui taillaient un
périmètre plus que respectable autour des monuments.
-
Et oui, ajouta Alban, c’est un peu comme si…
Achille
le coupa sans faire attention.
-
Rassurez-moi, les jeunes, on n’est pas censé
aller dans une pyramide n’est-ce pas ? C’est pas que ça me gène de
profaner des tombes géantes. J'ai des mauvais souvenirs…
-
Pour votre information, les pyramides de Gizeh
ne sont pas et n’ont jamais été des tombeaux, fit la jeune chef de
l’expédition.
Ils la
regardèrent tous comme si elle venait d’une autre planète.
-
Je croyais vous l’avoir déjà dit pourtant. A
leur découverte, les chercheurs ont cru déterrer d’énormes silos à grains, à
cause d’un conduit qui relie les salles du cœur des pyramides à l’extérieur.
Finalement, ils ont jugé que c’était des tombeaux royaux pillés il y a
longtemps, car aucun corps n’a jamais été retrouvé à l’intérieur.
Comme
personne ne savait quoi répondre, et fière qu’elle était d’apporter un peu de
culture à son entourage, elle poursuivit son exposé.
-
Au final, les égyptologues n’ont quasiment plus
leur mot à dire. La version officielle de l’utilité et de la méthode de
construction des pyramides est maintenue par le responsable égyptien et
quiconque donne une autre version peut se voir refuser les fouilles et réduire
sa carrière en miettes.
-
Un peu ce qui t’est arrivée, si je comprends
bien ? demanda Myrien.
-
C’est exact. Mais ce n’est pas grave car nous
n’aurons pas besoin de nous rendre aux pyramides.
-
Vraiment ? fit Simon.
-
A la bonne heure ! lâcha Achille.
-
Bon, pour faire simple, les trois pyramides
forment ensemble la ceinture de la constellation d’Orion, également appelée le
baudrier. Leur taille, leurs emplacements, leurs écartements l'une par rapport aux autres sont proportionnels aux trois étoiles. J’ai
constaté d’énormes similitudes entre les
anciens textes sur Orion et ceux sur les pyramides, les dynasties égyptiennes, mais
aussi des similitudes avec des nœuds telluriques…
-
Cette gamine est cinglée ! éclata Achille
sur le ton de l’humour. On suit une gamine parce qu’elle a repéré des nœuds
telluriques !
-
Euh… qu’est-ce que c’est exactement, un nœud
tellurique ? demanda le seul ici qui n’y comprenait rien.
-
Bon, pour faire simple, c’est un endroit, un
point précis où des énergies terrestres s’accumulent, se conglomèrent, et forment
un nœud dont elles ne peuvent pas se défaire, ce qui permet entre autres aux
chamanes d’utiliser ces énergies.
-
…
-
Faites-moi confiance ! Myrien, tu as
toujours ton gaussmètre ?
Il
acquiesça et Sélène reprit la parole avant d’entendre sa réponse.
-
Alors, sors-le. Nous en aurons besoin très
bientôt. On se dirige vers la tête.
-
Une seconde, jeune fille, lança Simon. Je suis
tout à fait disposé à te suivre et à te donner mes informations capitales, mais
je crois qu’il serait plus… Hum… judicieux d’attendre la nuit pour agir. Si
j’ai bien suivi ton raisonnement, notre lieu de fouille se trouve,
proportionnellement parlant par rapport aux trois pyramides de Gizeh, là où se
trouverait la tête d’Orion par rapport au baudrier de la constellation éponyme.
-
C’est bien résumé.
-
Et, pour ma part, bien que je ne trouve aucune
logique à cela, je pense qu’il serait souhaitable de ne pas nous faire repérer en
creusant à tout bout de champ non loin des pyramides ultra-surveillées et, qui
plus est, sans autorisation.
-
Bon, puisqu’il faut tout vous répéter… (Sélène
ferma les yeux pour chercher ses mots. Sans doute aussi, pensait Myrien, pour
ne pas insulter copieusement son collègue scientifique.) Uru-Anna, fit-elle simplement. "Uru-Anna" est un mot sanscrit signifiant Lumière des cieux. Pour moi, il n’y a aucun
doute que le mot « Orion » est un dérivé de l’ancien langage. On
retrouve d’ailleurs la constellation d’Orion dans toutes les grandes
civilisations et je suis persuadée que c’est un indice fort. La Lumière des
cieux, ce n’est pas le soleil, qui correspond plutôt à la lumière d’un seul ciel,
celui du jour. Il n’y a que l’espace qui nous permet de voir « les cieux ».
Bref, pour faire simple : bien sûr, mon cher monsieur Dietrich, que nous
allons fouiller de nuit. Mais pas pour satisfaire votre couardise et vos
délires de discrétion. Nous chercherons de nuit car c’est le seul moment où
nous pourrons trouver le casque. Le moment où nous serons aptes à le voir,
lorsque nous voyons la lumière des cieux, les étoiles.
Achille se grattait son menton imberbe.
-
C’est un peu tiré par les cheveux tout ça,
non ?
-
Tu es bien placé pour parler de cheveux, mon
ami, le tança Simon en appuyant son regard sur le crâne chauve d’Achille, qui
ne répondit pas à la remarque. Avec tout ce que tu as vécu, tu devrais pourtant
être prêt à accepter beaucoup d’explications farfelues, non ?
-
C’est pas faux, fit-il en cachant ses mains dans
ses poches. Bon, imaginons que tout ça soit un cheminement à suivre. Où on va
et qu’est-ce qu’on fait ?
-
On attend, dit Sélène.
Un
silence de mort s’installa sans prévenir. L’air devint lourd et sombre.
-
Un problème ? demanda Myrien.
-
Je n’aime pas ça, fit la voix d'Alban, soudain rauque et alerte.
Alban
semblait tendu à craquer et Simon intervint.
-
Notre ami a tout à fait raison. Nous devrions
rester en mouvement. J’ai l’impression que quelques hommes de la sécurité, sur
notre gauche, ont posé un peu trop souvent le regard sur nous. Et puis je ne
voudrais pas que d’autres chercheurs nous repèrent. Je vous rappelle qu’ils
nous suivent peut-être depuis la France.
La
remarque fit mouche et tous se contractèrent davantage, excepté Achille, perdu
dans sa nonchalance naturelle. Cela faisait quelques heures qu’ils se
connaissaient tous les cinq, et pourtant un véritable lien s’était crée entre
eux durant la traversée du désert.
Sélène,
comme à son habitude, se décida à prendre les devants.
-
Bon, puisqu’il ne faut pas rester en place,
déplaçons-nous ! Je vais repérer les lieux avec le gaussmètre.
-
Si vous permettez, intervint Simon, j’aimerais profiter
de cette fin d’après-midi pour visiter les pyramides. Un peu d’exercice ne me
fera pas de mal et j’ai toujours voulu voir ça de près.
-
Tu as des billets d’entrée pour la visite ?
-
Non. Mais je suis sûr que quelques billets à
trois chiffres suffiront. Nous nous retrouverons ici ce soir.
Le
scientifique s’éclipsa avec un clin d’œil et s’inséra dans une masse de
touristes grecs. Il s’éloignait d’un pas guilleret et faillit s’étaler, une
fois de plus, puis disparut dans la foule.
-
Et maintenant ? demanda Myrien.
-
Nous allons partir vers le Nord. Je veux
vérifier que les sites internet et les livres que j’ai consultés disent vrai.
Je veux vérifier la présence de magnétismes là où devrait se trouver la tête
d’Orion.
-
Il y a quelque chose que je ne comprends pas,
dit Myrien lorsqu’ils se furent bien éloignés des pyramides. Je croyais que tu
avais retrouvé un morceau de métal pouvant appartenir au casque d’Orion sur une
île inhabitée de Norvège. Si c’est le cas, qu’est-ce qui te permet de penser
que le casque se trouve bel et bien ici, en Egypte ?
-
Longue histoire. C’est mon père qui m’a laissé
des indices dans ses feuilles de recherches. Il y a deux ans, j’ai forcé son
coffre. Personne n’en connaissait le code ni même l’existence. Je l’ai
découvert à Dingle. C’est grâce à ces documents et des bribes de réflexion que
j’ai compris qu’il fallait oser chercher dans le domaine de l’ésotérisme, du
paranormal, appelle ça comme tu veux.
Alban
se pencha en avant, ouvrit la bouche, mais Achille posa sa question avant lui.
-
Ton père s’intéressait au paranormal ?
C’est presque étrange pour un scientifique.
-
Détrompe-toi ! De nombreux scientifiques
étudient ce que les non initiés appellent "le paranormal" et cette branche spécifique de la science porte le nom
de zététique.
-
Ne le prends pas mal. C’est juste que ton père
semblait… (Achille réfléchit intensément, puis jeta un regard à Alban et
observa à nouveau la jeune femme.) Comment parlait-il du casque d’Orion ?
-
Si tu crois que parce que tu es notre chauffeur,
je vais te révéler des secrets qu’il a gardés durant des années, tu te fourres
profondément le doigt dans l’œil !
-
Bien répondu ! fit-il en riant. Mais
dis-moi au moins, il parlait d’un métal précis ?
-
Oui, mais c’était une erreur. Selon lui, il
s’agissait d’un casque de bronze. Mais le métal
retrouvé en Norvège ne corrobore pas cette théorie. C’est un alliage
d’origine inconnue. Il le savait, pourtant il maintenait son idée. "C'est du bronze !" répétait-il souvent.
-
Du bronze… fit Alban pour lui-même. Je m’étais
attendu à de l’argent.
-
Mais rien n’assure qu’il s’agisse d’un bronze,
ajouta Achille.
-
Excusez-moi, les deux ! De quoi
parlez-vous ?
Ils
hésitèrent à répondre. Comme d’habitude, Achille prit la parole en premier.
-
Avec Simon, nous supposions plutôt un casque
d’argent. Mais ton père y voyait du bronze. C’est dérangeant pour notre théorie.
-
Pourquoi ça, puisque je vous dis que ce n’était
pas du bronze mais un métal inconnu ?
-
C’est plus compliqué que ça.
Ne
souhaitant clairement rien dire de plus, Sélène n’insista pas, imaginant que
les deux hommes avaient simplement élaboré des théories bancales. Mais elle se
promit de réserver un bon quart d’heure d’entretien privé avec Simon dès qu’ils
l’auraient retrouvé.
Les
heures passèrent, lentement. Myrien s’était écarté du groupe et avait utilisé
son gaussmètre au-dessus des dunes de sable. Comme prévu, l’aiguille monta de
quelques degrés. Il se dirigea à pied de droite à gauche, revenant parfois sur
ces pas. L’excitation de découvrir une augmentation significative du magnétisme
en plein milieu naturel avait de quoi le rendre euphorique.
A
mesure qu’il avançait, les autres le suivirent. Lorsque soudain l’aiguille
s’affola sans raison. Myrien fronça les sourcils.
-
Un problème ? fit Alban.
-
Je ne comprends pas bien. J’étais effectivement
sur la piste du nœud tellurique lorsque l’aiguille à grimpé à son maximum.
C’est comme si le nœud c’était déplacé juste sous mes pieds.
Achille,
qui avait entendu, posa une main et un regard appuyé sur Alban. Doucement,
progressivement, l’aiguille redescendit et reprit sa place. Myrien, les yeux
toujours rivés sur l’instrument, n’en croyait pas ses yeux. Trop excité pour
réfléchir, il conclut que c’était une erreur du gaussmètre et se remit en
marche.
-
Rien de grave, ça fonctionne à nouveau. J’avais
pourtant choisi un modèle de bonne qualité…
A
part, les demi-frères échangèrent quelques mots que ni Myrien ni Sélène
n’entendirent. Et près d’une heure plus tard, le jeune homme s’arrêta,
triomphal, un grand sourire aux lèvres.
-
C’est ici ! Il n’y a pas d’endroit où
l’appareil est plus réceptif.
Les
autres le regardaient, incrédules. Myrien s’avisa que « ici », il n’y
avait rien.
-
A partir de maintenant, nous avons besoin de ces
fameuses informations dont dispose Simon. Je note notre emplacement actuel sur
le GPS et nous partons le chercher, lança Sélène en se dirigeant vers le
véhicule.
Dans quelques
heures…
***
Lorsqu’ils
arrivèrent à leur point de rendez-vous, Simon les attendait, se balançant d’un
pied sur l’autre. Pour Myrien et Sélène, il était tout excité comme une puce.
Pour les deux autres, il était nerveux.
-
Prêt à partir ? lança-t-il à la cantonade
quand le hummer freina à ses pieds.
-
N’est-ce pas toi qui souhaitais perdre du temps
à visiter les pyramides ? répondit Sélène. Je suis sûre qu’ils ne t’ont
pas dit à quel point il est ridicule d’affirmer que les égyptiens les ont
conçus en faisant rouler des rondins de bois pour transporter des blocs de
pierre allant jusqu’à quatre-cent tonnes !
Myrien
la coupa aussitôt afin d’éviter un nouveau débat.
-
Oui le fameux over-blog de « stricades »
avec l’article « Egypto Logique » de janvier 2011 résume bien tout
ça.
-
Tu l’as lu ? fit-elle, soudain
rayonnante.
-
Oui, et c’est agréable à lire en plus. Simon, tu
pourras y faire un tour… quand nous serons rentrés en France. (Son regard se
posa plus attentivement sur le scientifique et fronça les sourcils.) Tu as eu
des soucis ?
Sélène
remarqua alors que l’homme semblait s’être battu dans le sable. Avec son grand
sourire aux lèvres, elle n’avait pas remarqué qu’il était éraflé sur une joue
et que ses vêtements étaient plein de poussière.
Les
yeux verts de Simon se firent froid comme la mort pendant un instant. Si court
que Sélène douta d’avoir bien vu.
-
Une petite mésaventure avec un touriste
grincheux à qui je ne revenais pas. Mais tout va bien, comme vous le voyez.
L’explication
était étonnante, mais personne ne le contredit.
-
Bon, allons-y maintenant qu’il fait nuit. Après
des années de recherches, nous allons enfin découvrir le casque d’Orion !
-
Quand on sait que ça fait des années que le casque
perdu est convoité... Après tout, nous ne sommes pas les premiers sur la piste
du casque, précisa Achille.
-
Pas faux, conclut la jeune fille. Mais tu vois petit, mon cher Achille. Cela fait des milliers d'années que le casque est perdu, voyons ! Allez, en
route !
Assis
à l’arrière du véhicule, à côté d’Alban qui écoutait le scientifique parler
plus qu’il ne discutait avec lui, Myrien était perdu dans ses pensées. Il avait
une étrange sensation depuis qu’ils avaient quitté le point le plus réceptif au
gaussmètre. Sélène et Simon étaient au courant pour ses étranges ressentis, la
présence de celui qu’il appelait « l’homme des étoiles », sa
puissance lorsqu’il ressentait l’Univers autour de lui et en lui. Mais personne
ne pouvait le comprendre. Personne n’avait jamais ressenti son trouble, sa
force terrible, cette impression qu’il pouvait fendre le ciel d’un seul coup de
poing ou briser la pierre d’un simple coup de pied.
Et là,
ça revenait, mais de manière plus diffuse.
Il
sentait l’homme des étoiles autour de lui, et en même temps très loin de lui,
au fin fond du cosmos peut-être. Si loin et si proche à la fois, cette chose
l’observait avec une bienveillance sincère, il en était persuadé. De même, l’univers
grandissait en lui et se concentrait autour de lui. Plusieurs univers. Comme si
chaque personne ici brillait d’une galaxie intérieure qui lui était
propre. Il « voyait » ces galaxies colorées, sans pour autant
qu’elles soient faites de lumière visible. C’était étrange. Était-ce leur
énergie vitale ?
De son
côté, chuchotant, Simon répondait à la question muette d’Alban.
-
Des phénix noirs. Le dragon noir était
introuvable. Et il pourrait y avoir d’autres chevaliers embusqués. Je te
demande d’être sur tes gardes. J’ai demandé à Kinaï de faire venir les vôtres.
-
Combien de…
-
Deux phénix. Enfin, plus aucun à présent. Ils ne
portaient pas d’armure alors je me suis chargé d’eux en les attirant dans le
désert.
Alban
était toujours impressionné par les qualités de son ami au combat. Selon son propre avis,
personne n’égalait Simon en combat singulier dans l’actuel sanctuaire, vide de
tous ses chevaliers d’or. Vingt années après la guerre sainte, personne n’avait
atteint la maîtrise nécessaire pour revêtir l’une de ces armures sacrées.
-
Sois sur tes gardes, mon ami, fit Simon. Ils
attaqueront bientôt. Ce soir ou demain, mais je penche pour cette nuit.
L’armure viendra à toi lorsque tu brûleras ton cosmos. Achille a déjà été mis
au courant par Kinaï.
-
Bien reçu.
Kinaï,
songea Alban. Cette homme maîtrisait des pouvoirs désormais uniques en son
genre et il n’était pas difficile pour lui de leur faire parvenir leurs armures
depuis la Grèce. Si on lui disait, à lui, qu’en brûlant son cosmos l’armure
viendrait le revêtir comme par enchantement grâce à ce télépathe, il n’en
doutait pas une seule seconde.
Quelques
minutes plus tard, tous arrivèrent au point dit et attendirent conformément aux
recommandations de Simon que les heures se passent.
***
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